Ayant émergé d’un constat collectif et citoyen, l’opérateur télécom Telecoop défend une offre écologique et solidaire qui soit un levier pour transformer la téléphonie en un secteur adapté aux changements de notre société. Sa directrice générale, Marion Graeffly, nous en expose les principaux objectifs.
Alliancy. Quelle est la genèse de Telecoop ?
Marion Graeffy. Telecoop est une coopérative, plus particulièrement une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). Elle est née en avril 2020, à partir d’un constat assez simple : le numérique prend de plus en plus de place dans nos vies personnelles et professionnelles, et ses impacts environnementaux sont de plus en plus forts.
Nous nous sommes dit qu’il manquait un acteur qui puisse porter une vision citoyenne, éthique et responsable de ce que le numérique pouvait être. Et comme les opérateurs télécom sont les portes d’entrée vers le numérique, il nous est apparu évident que le meilleur moyen de porter ce message était de le faire au niveau d’un tel acteur.
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Les quatre cofondateurs de Telecoop (Pierre Paquot, Anne Barbarin, Julien Noé et moi-même) sont des citoyens. C’est important de le souligner. Nous voulions montrer que nous n’avions pas besoin d’être des spécialistes du milieu des télécoms pour nous lancer. Nous sommes avant tout des citoyens qui se lancent et se forment sur ces questions-là.
Nous nous appuyons sur le réseau d’Orange. Les premières offres de la coopérative ont été commercialisées fin 2020. Nous comptons aujourd’hui 6 000 abonnés et 1 000 sociétaires. Nous employons 12 salariés et avons réalisé lors de notre deuxième exercice (année 2022) un chiffre d’affaires de 720 000 euros. Nous prévoyons de doubler ce chiffre en 2023.
Comment avez-vous financé les premières étapes de votre projet ?
M.G. À nos débuts, nous avons fait appel à des particuliers, entreprises et associations qui avaient envie de participer à notre projet en tant que sociétaires. Ils ont été nos premiers financeurs et nous ont permis de collecter 60 000 euros.
Comment votre volonté d’avoir un impact se concrétise-t-elle ?
M.G. Notre volonté d’avoir un impact se concrétise avant tout dans nos offres. Nous proposons ainsi le forfait Sobriété qui permet d’être facturé en fonction de sa consommation réelle de données mobiles. Vous payez ainsi une base de 10 euros, à laquelle viennent s’ajouter 2 euros par Go de données mobiles consommées. À travers de type d’offres, nous voulons montrer que nous pouvons proposer du numérique autrement et que ce dernier n’est pas une ressource illimitée. La facturation à la donnée mobile réellement consommée permet de rendre palpable la matérialité de cette ressource, ce que la majorité des Français ignore aujourd’hui.
Au-delà de la consommation de données mobiles, nous savons aussi que le cœur de l’empreinte environnementale du numérique vient de la fabrication du matériel. L’enjeu sur ce point est d’inciter les gens à garder leur téléphone le plus longtemps possible, en le réparant quand c’est possible ou en n’étant pas tentés par les offres commerciales pour en acheter un nouveau.
C’est la raison pour laquelle nous ne vendons pas de téléphone en direct, afin de ne pas pousser nos clients à la consommation. Nous travaillons plutôt avec des partenaires comme Fairphone ou des structures de l’économie sociale et solidaire spécialisées dans le reconditionné en France, et qui en profitent pour faire de la réinsertion professionnelle. Je peux notamment citer les Ateliers du Bocage et le réseau Envie.
Nous sommes nés pour avoir un impact par rapport à notre propre activité, mais aussi par rapport à l’ensemble du marché. Il est nécessaire que tout le secteur bouge.
Vous faites également partie des « Licoornes ». En quoi consiste cette initiative ?
M.G. Le mouvement des Licoornes est une alliance regroupant neuf coopératives : Citiz, Commown, CoopCircuits, Enercoop, Label Emmaüs, Mobicoop, la Nef, Railcoop et TeleCoop. L’idée est de dire que, en tant que citoyens, nous cherchons tous des façons de mieux consommer, de manière plus transparente et exigeante, dans le respect des salariés. Le problème est qu’il n’est aujourd’hui pas facile de s’y retrouver dans le greenwashing ambiant.
Le mouvement des Licoornes permet de rassembler, pour tous les besoins de la vie quotidienne, des alternatives coopératives garantissant que la façon dont l’argent est utilisé au sein de ces SCIC est la bonne. Cela signifie une juste répartition des richesses et du pouvoir, et des activités dédiées à trouver des solutions pour la transition écologique et sociale.
Vos projets de développement pour les années qui viennent vous poussent-ils à vous étendre en Europe ?
M.G. Nous n’avons pas vocation à nous étendre en Europe, car il existe déjà d’autres acteurs coopératifs avec lesquels nous travaillons en tant que partenaires. Nos objectifs sont plutôt de développer des parcours qui poussent à la réparation, à la maintenance, afin de permettre à nos clients de garder leur téléphone le plus longtemps possible.
Nous proposons par exemple un forfait « Transition » qui intègre une aide financière à la réparation, afin que les gens aient de plus en plus ce réflexe. Nous souhaitons maintenant aller plus loin avec la création de partenariats avec des réparateurs et un travail sur l’accessibilité prix (réparer son téléphone peut en effet parfois coûter plus cher que d’en acheter un nouveau).
Un autre de nos axes de développement est de renforcer nos offres pour les professionnels. Fin 2022, nous avons lancé une offre à destination des entreprises et nous souhaitons accélérer sur ce plan en 2023, notamment sur la partie accompagnement. À plus long terme, notre objectif est de sortir une offre de fourniture d’accès à Internet, afin de proposer un service télécom complet.
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Diplômée de l’école de Commerce de Toulouse, Marion Graeffly a démarré sa carrière dans l’agroalimentaire. Elle y a travaillé près de sept ans sur des sujets de business development, de marketing international puis de gestion de business unit e-commerce.
A la suite de cette expérience, elle a souhaité rejoindre l’économie sociale et solidaire pour contribuer concrètement à créer et développer des modèles d’entreprise au service de la planète et des Hommes. Après avoir suivi le programme Associé On Purpose, un programme de transition de carrière vers l’ESS, elle a codirigé l’association en charge de ce programme. Elle a ensuite cofondé avec trois autres citoyens la coopérative Telecoop, premier opérateur télécom coopératif à vocation écologique et solidaire.