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Quand la télémédecine recrée du lien dans les déserts médicaux

L’accélération des usages de télémédecine sur tout le territoire est l’un des résultats les plus visibles de la digitalisation du secteur de la santé. Quelles sont les initiatives les plus inspirantes en France ?

La télémédecine élimine les barrières géographiques, pour offrir aux patients des régions isolées ou à mobilité réduite un accès aux services médicaux. Elle améliore également la rapidité de prise en charge, favorise la continuité des soins, notamment pour les maladies chroniques, et contribue à alléger les coûts du système de santé

Après des années d’expérimentations, téléconsultation et téléexpertise sont désormais remboursées par l’Assurance maladie depuis septembre 2018. C’est ce qui a ouvert la voie, ainsi que la crise du covid, à l’expansion de la télémédecine, notamment dans les territoires sous dotés de médecins. Cela, sans prétendre résoudre à elle seule la problématique des déserts médicaux et en étant strictement encadrée par la loi car, comme le souligne Jean-Jacques Zambrowski, président de la Société Française de Santé Digitale, « les actes de télémédecine ne sont pas des sous actes médicaux ».

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Ne pas abandonner les patients en déshérence

Dans sa feuille de route Santé 2021-2027 la région Grand Est, où les téléconsultations sont passées de 7 650 avant la première crise du covid à 470 000 du 16 mars au 10 mai 2020 et à plus de 400 000 de mai fin octobre 2020, fait de la télémédecine une priorité. Le Business Act Grand Est, porté par la Région et la Préfecture, ambitionne de généraliser la télémédecine sur tous ses territoires en trois ans. En y associant un grand nombre de partenaires régionaux, dont l’Assurance maladie, les Conseils départementaux et l’ARS.

Au CHU de Rouen, la télé-expertise, accessible via la plate-forme régionale de télémédecine Therap-e, permet à un professionnel médical de solliciter à distance, en temps réel ou en asynchrone, l’avis d’un ou de plusieurs confrères. A la clé, l’optimisation de la coordination médicale et l’amélioration de la prise en charge des patients sur le territoire. D’abord limitée aux patients « prioritaires », elle est désormais possible pour tous depuis 2022.

Domitys, le numéro 1 des résidences de services pour seniors, déploie, quant à lui, depuis 2021 plus d’une centaine de bornes de téléconsultation Medadom dans ses résidences. Destinées aux seniors autonomes, elles sont aussi ouvertes à tous les habitants des communes des alentours.

La Pharmacie Du Centre à Le Poiré-sur-Vie, commune vendéenne de 8000 habitants, s’est également équipée d’une borne Medadom fin 2022. « Un de nos cinq docteurs venait de partir à la retraite et 2000 personnes se sont retrouvées sans médecin traitant, raconte la responsable de la pharmacie. Je ne pouvais pas les laisser en déshérence ».

La borne rencontre un grand succès, notamment auprès des jeunes qui en abuseraient presque. « Il est nécessaire d’encadrer son usage en leur expliquant que s’ils ont un médecin traitant il faut aller le voir, ou encore, que la borne n’est pas adaptée à certaines pathologies », déclare-t-elle. En revanche, la population âgée, plus craintive face au numérique, demande davantage de rassurance.

Nouveaux acteurs, nouveaux métiers

Il est également des acteurs que l’on n’attendait pas forcément sur ce terrain. Comme SNCF Gares & Connexions qui va déployer avec Loxamed d’ici 2028 des espaces de télémédecine aménagés et équipés, accompagnés par des infirmiers diplômés d’Etat, dans près de 300 gares, dans les zones d’intervention prioritaires et les zones d’action complémentaire, où l’offre de soins est insuffisante.

« Notre potentiel est de 1735 gares, estime un représentant de SNCF Gares & Connexions. Nous répondons aux besoins exprimés par les élus et les professionnels de la santé, dont l’ARS. En fonction de leur demande, nous mettrons les espaces à disposition ». La proximité avec les usagers est un réel atout, 90% de la population résidant à moins de 10 km d’une gare.

L’essor de la télémédecine a également engendré la création de nouveaux métiers. La start up Tessan ne se contente pas de louer en leasing des bornes et cabines de téléconsultation aux collectivités et aux pharmacies. « Nous opérons les téléconsultations et les 150 médecins généralistes et spécialistes qui les assurent sont salariés par notre structure, explique Alexis Proust, son directeur marketing et communication. La loi les autorisant à consacrer 20% de leur temps à la téléconsultation, ils travaillent pour nous 5 à 10 heures par semaine. Les dispositifs médicaux connectés intégrés – stéthoscope, thermomètre, tensiomètre, dermatoscope… – permettent d’effectuer un diagnostic pratiquement dans les mêmes conditions que chez un médecin. 80 à 90% de nos téléconsultations réussissent à traiter le problème du patient, qui n’est orienté vers un hôpital ou un médecin spécialisé que dans 10% des cas ».

Tessan a ainsi équipé la mairie de la commune Les Attaques dans le Pas-de-Calais, d’une borne en juillet 2021. 350 téléconsultations, encadrées par un infirmier libéral, ont lieu chaque mois dans le cabinet de télémédecine, installé dans le parc de la mairie. « Nous avions tenté de recruter un médecin libéral mais malgré la prime d’installation de 30 000 euros proposée par la communauté d’agglomération et la mise à disposition par la commune d’un local gratuit, nous n’en avons pas trouvé, confie Camille Batilliot, directrice générale des services de la mairie. Le département et la communauté d’agglomération Grand Calais Terres & Mers ont accompagné le projet et l’ont financé à hauteur de 60% ».

Quelles spécialités médicales misent le plus sur la téléconsultation ?

Sur Doctolib, leader de la téléconsultation sur Internet, 80% des téléconsultations sont effectuées avec un patient déjà connu du praticien. Plus de 20 millions de téléconsultations ont été effectuées en France depuis le lancement de l’outil en 2019. Près de 500 000 téléconsultations en moyenne sont effectuées chaque mois et 7,4 millions de patients ont déjà fait une téléconsultation. D’après les chiffres de la plateforme, les spécialités médicales et paramédicales y recourant le plus sont les généralistes, les anesthésistes, les psychiatres et les psychologues, ce qui est logique dans le cadre de la continuité des soins : pour un renouvellement d’ordonnance par exemple.

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