Avec la crise sanitaire et l’interruption des rencontres professionnelles, les entrepreneurs ont du mal à entretenir leurs réseaux. Pour autant, la stratégie de travailler en écosystème ne doit pas être mise de côté. C’est ce que Thibaut Bechetoille, président de CroissancePlus, rappelle dans cet entretien avec Alliancy.
Alliancy. Pouvez-vous rappeler le rôle et les missions de CroissancePlus ?
Thibaut Bechetoille. CroissancePlus est une association qui compte plus de 350 entrepreneurs de la tech, l’industrie, l’événementiel, l’hôtellerie… Tous convaincus que l’innovation passe nécessairement par le partage de valeur. Nous avons deux grands rôles : en premier, une fonction de soutien aux entrepreneurs, notamment par le partage d’expériences. Nous avons par exemple tenu récemment notre « morning croissance » sur ce sujet et nous organisons des webinars tous les soirs pour aider les entrepreneurs dans leurs démarches de demande de PGE (Prêt garanti par l’État) ou de chômage partiel.
Notre deuxième fonction reste l’influence. CroissancePlus a été créée en 1997 pour influencer le politique et obtenir un cadre favorable à l’entrepreneuriat. Cependant, nous sommes totalement indépendants de tous lobbies et l’association reste financée par ses membres.
Comment la crise vous a-t-elle impactés ? Des changements de cap sont-ils prévus ?
Thibaut Bechetoille. L’activité de CroissancePlus a largement été impactée, notamment sur le volet événementiel. Notre grand événement annuel « Spring Campus », qui permet à 300 entrepreneurs de baigner trois jours durant dans un débat intellectuel, a été annulé en 2020. Mais nous prévoyons peut-être de le maintenir cette année, quitte à le faire en virtuel.
Au-delà, nos grands sujets pour 2021 concerneront l’impact – le rôle social et sociétal de l’entreprise, la préservation de l’environnement, comme critères de performance au même titre que le développement économique – et la croissance partagée – le partage de la valeur avec des initiatives telles que l’actionnariat salarié. Il faut montrer aux entrepreneurs qu’il n’y a pas de limites pour régler les petits et grands problèmes sociétaux et environnementaux. La RSE doit faire partie intégrante de la stratégie et du business model des entreprises. Il faut embarquer les employés et tout l’écosystème pour que le partage de valeurs existe. Voici quelques exemples d’entreprises qui illustrent bien cette démarche d’impact : Castalie qui fournit à l’entreprise des machines à eau et dont la raison d’être est de débarasser la planète des gobelets en plastique, ATF GAIA qui recycle du matériel informatique et télécom en embauchant des personnes en situation de Handicap, ou BougeTaBoite dont la mission est de développer l’entrepreneuriat féminin.
En quoi est-il important de mieux se connaître pour travailler en écosystème ?
Thibaut Bechetoille. La notion d’écosystème est absolument essentielle ! Et l’écosystème français de la Tech est extrêmement vertueux et soutenu, notamment par des acteurs publics comme Bpifrance ou des investisseurs et acteurs privés comme KPMG ou BNPParibas. Prenons l’exemple de la Fondation des Transitions qui est centrée sur les enjeux de territoires. Cette dernière a compris qu’avec les écosystèmes, il sera possible de revitaliser les territoires sinistrés par la désindustrialisation, par le biais des collectivités locales, des organisations publiques et des associations locales…
Chez CroissancePlus, nous avons vocation à accélérer l’accès des entrepreneurs à cette notion d’écosystème, à les aider à dépasser le cadre de leur entreprise pour s’ouvrir à ce concept. Il est évident que la notion de partenaires stratégiques peut assurer la pérennité d’un business. Il faut donc que les entrepreneurs identifient les acteurs, investisseurs et partenaires stratégiques potentiels dans leur propre écosystème.
L’écosystème est-il un facteur de résilience et en quoi ?
Thibaut Bechetoille. Quand on développe une société, il y a d’abord l’écosystème dont on doit bénéficier et puis l’écosystème qu’on peut générer soi-même. Il faut s’assurer qu’il crée de la valeur au service d’un bénéfice marketing. C’est ce qu’on appelle le marketing d’influence : c’est-à-dire devenir un leader d’opinion et réussir à emmener son écosystème dans une vision.
L’écosystème, c’est aussi l’accès à un ensemble de capteurs qui donne plus d’informations sur son marché et qui assure une capacité de rebond. Les relations avec cet écosystème peuvent permettre de continuer son business sans trop de changements. Par exemple, pour les secteurs très impactés comme l’événementiel, l’écosystème peut permettre d’avoir plus d’informations sur comment rebondir après la crise.
Ce feedback du marché est vital et ce sont les grands acteurs technologiques qui ont compris cela en premier. Les Gafam se sont tous basés sur tous ceux qui peuvent générer de la valeur pour eux. Enfin, il ne faut pas oublier la communauté Opensource dans la tech, qui elle aussi est intéressante pour apporter des solutions technologiques.
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui ne mobilisent pas encore assez leur écosystème ?
Thibaut Bechetoille. L’entrepreneur doit allouer 10 % de son temps à l’ouverture de son écosystème, ce qui lui apportera beaucoup de valeur. Certains ne se donnent pas ce temps-là, n’y voyant pas vraiment l’intérêt sur le long terme. Je leur dirais qu’il faut garder à l’esprit que l’écosystème mobilisé va créer de la valeur dans les cinq à dix ans.
Encore une fois, la communauté autour de soi est très importante et il est vital aujourd’hui d’imaginer les réseaux de demain. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont encore du mal à s’ouvrir. Mais, de manière générale en 2021 et en réponse à l’irruption de la Covid, cet éveil est désormais notable. Bien sûr, cette crise rend les choses plus complexes, mais il reste tout de même des opportunités de créer ou d’enrichir son écosystème, notamment de manière virtuelle.