Les éditeurs de logiciels français tiennent bon la barre

Les éditeurs de logiciels français résistent en cette année délicate. Plus de la moitié du panel du Top 250, dévoilé la semaine dernière, prévoit de réaliser une croissance supérieure à 5 % de leur activité en 2020. Et ils embauchent !

Un pas est franchi chez les représentants du secteur du numérique, enfin ! Cette année, ils étaient trois à présenter en commun la dixième édition du « Panorama Top 250 » : Syntec Numérique ; son partenaire habituel EY et, pour la première fois, Tech’In France, l’association des éditeurs français.

Top-250-Syntec-Numérique

Remise des prix aux cinq primés le 15 octobre 2020 (DR).

Cinq entreprises remarquables ont été primées jeudi soir :

  • Trophée 2020 Croissance en SaaS, décerné à la société Talentsoft, éditeur d’applications Cloud de gestion des talents et de formation.
  • Trophée 2020 International, décerné à la société Hivebrite, solution Saas de création et gestion de communautés en ligne.
  • Trophée 2020 Innovation, décerné à la société LumApps, solution permettant aux entreprises de mettre en place un Intranet social et collaboratif.
  • Trophée 2020 Jeux vidéo, décerné à la société MadBox, éditeur français de jeux vidéo sur mobile.
  • Trophée 2020 Prix du jury, décerné à la société Cardiologs, solution d’interprétation automatique des électrocardiogrammes.

Des réussites qui illustrent parfaitement les points forts de l’étude mise en avant par EY sur l’écosystème des éditeurs français (classement de près de 350 entreprises dont le siège social est en France, hormis quelques-unes).

« Aujourd’hui, nous comptons 350 entreprises dans ce panorama, qui est une source incomparable de réflexions et d’analyses. Malgré le contexte de crise, nous avons davantage d’éditeurs dans l’étude, précise Jean-Christophe Pernet, associé au cabinet EY. On constate donc l’intérêt croissant de ces acteurs pour le classement, réalisé à périmètre constant et focalisé uniquement sur les éditeurs français. »

Le chiffre d’affaires édition réalisé par les éditeurs français de logiciels atteint 17 milliards d’euros en 2019 (+ 8 % par rapport à l’an dernier). « Ce chiffre a plus que doublé par rapport à la première édition du panorama. En 2010, les 297 éditeurs de l’étude avaient réalisé 7,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans l’édition », poursuit-il.

« On voit donc une forte dynamique, à laquelle les éditeurs contribuent différemment. Et de souligner la forte contribution des éditeurs « horizontaux » (finances, RH…) comme Cegid ou Talend. A l’inverse du secteur du jeu vidéo, fortement touché par la contre-performance d’Ubisoft, qui enregistre une baisse de son chiffre d’affaires de 14 % en 2019 partiellement compensée par la hausse du chiffre d’affaires des autres acteurs du secteur. Sur l’ensemble du panel, l’expert note toutefois une surperformance des éditeurs de la catégorie 50-100 millions d’euros de chiffre d’affaires, parmi lesquels il cite Ivalua et Talentsoft. Ainsi, les éditeurs de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires contribuent à hauteur de 76 % du chiffre d’affaires du panel alors qu’ils ne représentent que 11 % des éditeurs.

On voit donc un impact de la crise assez mesuré selon lui, avec « beaucoup d’éditeurs qui prévoient une croissance nulle ou positive, mais 34 % une croissance réelle en 2020 » (modèle SaaS, cyber-sécurité, mobilité et digitalisation). Les éditeurs de logiciels français ont eu principalement recours à des mesures de soutien à court terme telles que le report de règlement des cotisations Urssaf pour 50 % d’entre eux et le report des échéances des emprunts bancaires pour 46 % du panel. De plus, 43 % des éditeurs du panorama ont sollicité et obtenu un prêt garanti par l’état.

Le modèle SaaS plébiscité

Hivebrite

L’éditeur BtoB Hivebrite crée et anime des communautés de toutes natures (collaborateurs, clients, alumni, bénévoles…), notamment pour le Cern, Stanford University, Princeton University, OMS (World Health Organization), CDC (Center for Disease Control) ou le NYSE (New York Stock Echange)… « Nous avons pensé l’international dès le départ », explique Jean Hamon, CEO et co-fondateur de la société, lauréate du Prix international.

Un autre point relevé dans cette étude confirme la montée en puissance du modèle SaaS (formidable amortisseur sur l’activité des éditeurs), avec un chiffre d’affaires en hausse chaque année. La transition vers ce modèle devrait donc continuer à s’accélérer dans les années à venir chez les éditeurs, qui sont 62 % à considérer le SaaS comme leur priorité technologique numéro un (contre 49 % en 2019, soit une hausse de 13 points).

Sur les recrutements, on note une augmentation de 12 % des effectifs nets sur 2019 et de 20 % sur deux ans, ce qui représente 16 300 emplois nets générés sur la période. Malgré le contexte actuel, 72 % des éditeurs de logiciels français déclarent qu’ils continueront à augmenter leur effectif en 2020. 63 % d’entre eux prévoient même que la croissance de leurs effectifs atteindra 10 % ou plus cette année. Cette tendance s’explique par le fait que les éditeurs sont toujours confrontés à une pénurie de talents, et ce malgré la crise, 78% d’entre eux estimant rencontrer des difficultés de recrutement. « Avec toujours un grand besoin de développeurs », précise l’expert d’EY, notamment pour la partie R&D en plein boom également. « La France reste pour notre panel une terre propice pour investir en R&D, situation due à l’environnement fiscal, au bon niveau des écoles et universités, au CIR… ».

[bctt tweet= »Le chiffre d’affaires cumulé du Panel Top 250 2019 s’est élevé à 17 milliards d’euros, en hausse de 8 % par rapport à 2018. » username= »Alliancy_lemag »]

La crise a toutefois rendu plus complexe l’embauche de profils internationaux. « C’est trop difficile de travailler à distance, ou les visas sont très difficiles à obtenir », note Maxime Demeure, cofondateur de MadBox (lauréat du jeu vidéo). Jean-Stéphane Arcis de TalentSoft (lauréat du mode SaaS) reconnait également recruter moins cette année (40) qu’en 2019 (100), précisant qu’il est indispensable de « faire un mix entre jeunes et seniors pour apporter des méthodes. Jean Hamon de HiveBrite (lauréat pour l’international), start-up présente aux Etats-Unis, a précisé avoir plus de choix… « Des concurrents américains ont licencié leur force de vente notamment, donc il y a plus de profils disponibles, ce qui est favorable pour nous. » Enfin, CTO et co-fondateur de LumApps, Elie Mélois a précisé que : « Petit éditeur français en hyper croissance, nous avons ralenti notre croissance cette année. On recrute toujours, mais on a focalisé nos nouvelles ressources sur le marketing et la R&D, le Customer Success… ».

L’international à la peine

Reste toutefois le bémol de l’international, toujours compliqué pour les éditeurs français avec une part du chiffre d’affaires généré à l’international de 57%, en hausse de 3 points par rapport à l’année dernière. Mais cette hausse provient essentiellement des éditeurs qui réalisent plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires déjà bien établis à l’international. Cette année, leur chiffre d’affaires à l’international est ainsi passé de 59 % en 2019 à 62 %.

Chez les acteurs plus petits, l’internationalisation reste un challenge difficile à relever. On voit cependant, comme Hivebrite (Kit United), lauréat du prix international, un nombre grandissant de sociétés qui intègre l’international dès le démarrage (solutions, marchés, management…) et c’est encourageant, mais pour autant, dans les chiffres globaux, cela ne se voit pas encore. Dans les pays les plus contributeurs, après la France, on retrouve les Etats-Unis, qui reste un marché stratégique pour les éditeurs de logiciels. Le panel Top 250 y a réalisé 21 % du chiffre d’affaires total en 2019. Certains éditeurs portent toutefois leurs regards sur l’Europe, et notamment sur les pays limitrophes de la France (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique Suisse) pour augmenter leur présence à l’international.

La conclusion a porté sur l’impact de la crise de la Covid et les remises en question des services et propositions de valeur apportés par Syntec Numérique et Tech’In France. « Il y a un besoin accru d’échanges entre les membres autour des RH, du management, des nouvelles organisations du travail… Nous devons également mieux accompagner la mise en relation entre nos adhérents, d’où les webinaires mis en place pendant la crise pour trouver les bons liens si nécessaire, chasser en meute, affirmer des points de vue particuliers… », a précisé Philippe Tavernier, délégué général de Syntec Numérique.

Les lignes bougent et partout avec des sujets communs (talents, réglementaire du numérique pour élaborer actions communes). « Nous devons être aussi agiles que nos entreprises, a conclu Loïc Rivière, CEO à Tech’in France, et capables de développer des synergies au sein de notre écosystème. »