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En transformant son socle informatique, le groupe Kersia prépare l’avenir de la sécurité alimentaire

Patrick Richard dirige l’IT et le digital au sein du groupe Kersia, spécialiste de la sécurité des aliments, présent dans 120 pays et dont le siège est à Dinard (Ille-et-Vilaine). Il détaille les transformations numériques engagées sur fond de croissance internationale. Il revient aussi sur le rôle du cloud dans le changement de donne ERP dont l’entreprise avait besoin pour accélérer sa digitalisation.

Patrick Richard, DSI de Kersia

Patrick Richard, DSI de Kersia

Le groupe Kersia (anciennement Hypred) fait partie de ces entreprises peu connues du grand public et qui exercent pourtant une activité d’ampleur, fondamentale au bien-être et à la sécurité de la population. En effet, le groupe, dont le siège est basé dans la célèbre ville balnéaire bretonne de Dinard, est un des principaux spécialistes mondiaux de la prévention de la contamination des aliments.

L’entreprise, qui s’est détachée du groupe d’agroalimentaire Roullier en 2016, vole aujourd’hui de ses propres ailes en exerçant dans 120 pays, fort de 35 sites industriels et 2100 collaborateurs. Une force de frappe dans la sécurité des aliments à hauteur de 410 millions d’euros de chiffre d’affaires, qui s’est notamment construite à travers une stratégie soutenue d’acquisitions : notamment Anti-germ, LCB Food Safety et G3 en 2017 alors que le groupe prend le nom de Kersia, puis Kilco en 2018 et Les Laboratoires Choisy en 2019, ou encore Holchem en 2020.

« Digitaliser le business model, les processus et la transformation client »

Une croissance qui n’est pas sans conséquence pour la transformation numérique de l’entreprise, qui s’effectue en parallèle, comme l’explique Patrick Richard, directeur SI et membre du comité exécutif. « L’IT chez Kersia est une organisation globale. A chaque fois que nous faisons l’acquisition d’une entreprise, il nous faut intégrer son IT de manière cohérente, pour conserver cette organisation globale » explique celui qui dirige une « DSI groupe » de 30 personnes aujourd’hui. « J’ai à la fois la caquette IT, au sens des infrastructures, du CRM, du PLM, du développement classique… et celle du digital, à travers laquelle nous voulons vraiment digitaliser le business model, les processus et la transformation client. C’est une transformation de fond que nous menons à plusieurs niveaux ».

Cette digitalisation en voie d’accélération, passe par un effort de centralisation conséquent. « Quand j’ai pris mes fonctions en 2016, je me suis retrouvé face à un SI très décentralisé… Or, rapidement, quand le groupe a fait l’acquisition d’Antigerm, nous avons littéralement doublé de taille et nous nous sommes retrouvés avec deux ERP différents. Dès 2017 s’est donc posé la question : faut-il étendre l’un ou l’autre de ces ERP ou repartir de zéro ? » se souvient le DSI, qui avant de rejoindre Kersia, avait passé 5 ans au sein du géant Veolia.

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Faire face à la multitude d’entités juridiques et de pays

Pour beaucoup d’entreprises, les questions d’ERP sont promptes à faire grincer des dents. Chez Kersia, le sujet est d’autant plus stratégique que les choix en matière de développements n’ont de sens qu’avec la possibilité de pouvoir les interfacer efficacement à la plateforme de gestion globale. « D’une part, nous avons une approche de la digitalisation très business-centric, que ce soit par des partenariats avec des start-up ou grâce à du développement interne. D’autre part, nous nous appuyons très fortement sur des développements anglais et canadiens, qui fonctionnent bien s’il peuvent s’interfacer avec l’ERP. Nos développeurs sont calés pour pouvoir reprendre leur travail, le bon code, etc » détaille le DSI. Le problème ne se situe pas au niveau des compétences ou de l’infrastructure elle-même : « Quand on veut porter un projet à l’échelle du groupe, nous nous retrouvons avec autant de cas que d’entités juridiques et de pays. C’est-à-dire que dès que l’on veut transformer un espace client pour simplifier l’accès à l’information, nous allons devoir multiplier le travail par trente ! Et les instances se multiplient entre les différents grands éditeurs et d’autres, beaucoup plus exotiques… »

Entre 2017 et 2020, la DSI jongle donc avec les contraintes et se concentre sur l’obtention de KPI pour piloter l’entreprise et consolider les éléments des différents ERP sur la partie commerciale notamment. « Dans les pays où nous étions présents avec plusieurs entités, nous avons par exemple fusionné en gardant qu’un seul ERP, pour simplifier un peu. Mais les acquisitions s’enchainent et cette stratégie a vite trouvé ses limites face à la croissance ».

L’opportunité d’une transformation ambitieuse avec un ERP Cloud

C’est à l’été 2020 que l’opportunité d’une transformation plus ambitieuse se présente. A l’occasion d’un changement d’actionnaire, le DSI et les autres dirigeants se mobilisent pour convaincre les investisseurs de suivre un projet d’ERP unique. L’idée passe, la phase d’appel d’offres peut se dérouler en 2021. C’est au final l’éditeur Oracle qui est retenu avec ses solutions Oracle Cloud ERP et Cloud SCM. Patrick Richard se remémore ce qui a impliqué ce choix : « Nous avons pris contact avec les trois éditeurs majeurs sur le sujet. Tout le monde proposait du cloud, même si pour nous ce n’était pas le critère principal. Nous avons dû faire un « deep dive » sur des sujets critiques pour nous, comme les détails sur le volet finance, le transport sur vente, l’enchainement des ordres de production en « bulk » et le conditionnement… Et nous avons fini par choisir Oracle plutôt que SAP, car ces derniers ne donnaient pas l’impression d’être vraiment en SaaS ; plutôt une sorte de « on premise » hébergé chez n’importe quel hyperscaler ».

Loin d’être une lubie technologique, le facteur cloud a été longuement soupesé. « Notre vision du cloud intègre surtout la dimension financière : nous sommes en faveur du SaaS… quand il s’agit de vrai SaaS, pas de machines virtuelles déposées quelque part pour la forme. Il faut qu’il y ait un modèle financier cohérent, car on rentre tout de suite dans le dur de l’Opex, alors que les fonds d’investissement sont toujours plutôt sensibles au Capex » analyse Patrick Richard.

Cybersécurité, GMAO, IoT…

Dans les équipes, le changement est bien accueilli, à la fois par des utilisateurs métiers et du côté IT, car il permet de se débarrasser d’une partie des problématiques de hardware, qui ne font pas la joie de la responsable infrastructure. « On préfère pouvoir se concentrer sur des sujets à forte valeur ajoutée pour le business, sur la partie cybersécurité par exemple ». Sur ce point en particulier, le DSI apprécie l’intégration et la prise de responsabilité plus importante de l’éditeur. « La guerre en Ukraine a clairement remis une couche sur ces sujets. La cybersécurité, c’est plus que jamais un point d’attention des dirigeants ».

Mais la transformation ne fait que commencer. « En 2022, nous avons construit le socle. En 2023, aux premiers déploiements succèderont une logique de roll out sur l’ensemble des filiales, qui prendra trois à cinq ans. On sait que cela va prendre du temps et on porte l’attention nécessaire sur la phase de construction pour que le projet soit accepté, adopté et que les déploiements soient lisses et sans accrocs. Et vu l’ampleur du scope fonctionnel et géographique, pour viser un ERP complet et cohérent, il ne faut pas que l’on s’éparpille » souligne le DSI.

Mais ce changement de socle laisse toutefois entrevoir de nombreuses opportunités pour le système d’information de Kersia. Une fois ce travail de titan d’harmonisation effectué, Patrick Richard estime qu’il sera beaucoup plus facile d’ajouter de façon opportuniste d’autres modules utiles, comme de la GMAO ou de la gestion client. « On se dit qu’on pourra même regarder vers le PaaS Oracle pour voir ce qu’on pourrait développer différemment de cette façon et mieux exposer au niveau de nos clients, dans une logique d’ouverture. Mais on pourra aussi peut-être demain aller beaucoup plus loin dans notre transformation digitale, avec de l’IoT, pour vérifier les remplissages de cuves… ou encore des demandes de services, par exemple des reprises d’emballages vides auprès de nos clients par exemple. » De quoi continuer à révolutionner un métier de la sécurité alimentaire dont l’importance ne va cesser de croître à l’avenir.

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