Un rapport du Shift Project, en partenariat avec l’école de commerce Audencia, tente de montrer comment réaliser la transformation des enseignements spécialisés en gestion pour y intégrer les enjeux écologiques.
Qu’est-ce qu’un business plan « compatible 2°C » si, désormais, le carbone ou la biodiversité deviennent des critères que nous cherchons à optimiser avant les euros ? À quoi ressemble une économie compatible avec des flux physiques en contraction et une campagne publicitaire qui ne porte pas atteinte à la biodiversité ? Quelles connaissances et compétences faut-il fournir à un élève en gestion au vu des interrogations ci-dessus ? Aura-t-on besoin des mêmes enseignants, qu’il faudra juste former à de nouvelles approches, ou bien l’angle sera-t-il tellement différent que le corps enseignant apte à officier dans ce nouveau contexte viendra de l’extérieur ?
Telles sont les questions que pose Jean-Marc Jancovici, Président du Shift Project, en introduction d’un rapport intitulé « Former les acteurs de l’économie de demain » paru au mois de novembre 2022. Un rapport qui considère que les managers ont un rôle décisif à jouer dans la transition vers une société décarbonée et résiliente.
Comment ? En atténuant les impacts de leurs organisations sur l’environnement et en contribuant à l’adaptation de la société aux bouleversements en cours. Or, seuls 6 % des formations en management abordaient les enjeux écologiques dans des cours obligatoires en 2019, selon le Shift Project.
« L’enseignement en gestion occupe une place importante et en croissance dans l’enseignement supérieur. Les formations dédiées à gestion concernaient plus de 19,6 % des étudiants de l’enseignement supérieur en 2019-2020. C’est dire toute l’importance pour la transition écologique que l’enseignement supérieur en gestion intègre des connaissances et compétences liées aux enjeux écologiques », détaille le rapport.
Un socle de connaissances et de compétences
Le rapport du Shift Project propose un socle de connaissances et de compétences à destination des enseignants et responsables pédagogiques, représentant environ 165 heures d’enseignement. Ce socle décrit les connaissances et compétences à intégrer dans les cours obligatoires enseignant les fondamentaux de la gestion.
Selon le Shift Project, les managers de demain doivent notamment comprendre les contraintes physiques et leurs implications pour la société, les systèmes économiques et les organisations, mobiliser les sciences naturelles, sciences de l’ingénieur ainsi que les sciences humaines et sociales, et connaître les limites des modèles enseignés en gestion et en économie pour prendre en compte les enjeux écologiques.
« Il faut réinventer les outils et pratiques de gestion si l’on souhaite transformer les entreprises au regard des enjeux écologiques. Pour cela, il faut que la gestion s’intéresse aux contraintes physiques et aux enjeux sociaux qui y sont liés, pas seulement pour créer de nouveaux indicateurs mais, de manière plus ambitieuse, pour travailler à la transformation des entreprises en coordination avec les autres acteurs de la transition », peut-on lire dans le rapport du Shift Project.
La nécessaire formation des enseignants
Avoir une vision systémique demande de faire le lien entre sa discipline d’une part (finance, marketing, stratégie…), et d’autre part de multiples champs disciplinaires qui permettent de comprendre les contraintes physiques, les enjeux sociaux qui y sont liés, et les réponses que doivent y apporter nos sociétés.
Pour bien comprendre les enjeux écologiques, les enseignants doivent y être formés. Les enseignants consultés ont notamment manifesté, pour pouvoir les intégrer à leur propre réflexion, un fort besoin de formation sur les connaissances sur les contraintes physiques. Cette réaction est confirmée par les réponses à un sondage comptabilisant 489 réponses d’enseignants issus de près de 30 établissements, écoles de management, IAE et universités. Plus de 40 % des répondants font état d’un besoin de formation pour intégrer davantage les enjeux écologiques à leurs cours.
Les directions et présidences d’établissements également concernées
Les enseignants ne sont pas les seuls à devoir se transformer. Les directions et présidences doivent elles aussi prendre leur part de responsabilité en redéfinissant leur stratégie d’établissement pour intégrer les enjeux écologiques dans les enseignements, la recherche, le campus, les pratiques et la gouvernance. Cela nécessite de mobiliser des moyens humains et financiers en adéquation avec les évolutions à mener. Le Shift Project préconise d’y consacrer 3 % du budget de fonctionnement pendant au moins trois ans.
Quant aux organismes chargés de délivrer les accréditations et de réaliser les classements, le Shift Project leur recommande d’accorder aux enjeux écologiques un poids supérieur à tous les autres critères dans l’évaluation des établissements, de définir précisément les enjeux écologiques tels qu’ils seront évalués, en plaçant les limites planétaires au centre, et de valoriser l’intégration des enjeux écologiques dans tous les enseignements.
Il est à noter que ce rapport du Shift Project sera bientôt complété par un rapport dédié à la finance. Il approfondira la réflexion en dressant un état des lieux de la prise en compte des enjeux écologiques dans les formations en finance faisant référence en France, et en faisant le point sur les évolutions actuelles de la finance en lien avec les enjeux écologiques, explorant les évolutions futures possibles dans une démarche prospective.