Le contrat de filière du CSF « Logiciels et solutions numériques de confiance » a été signé par trois ministres le 22 avril. Les acteurs engagés dans les groupes de travail appellent le reste de l’écosystème à les rejoindre pour travailler conjointement sur des actions de souveraineté et de sécurité pour les deux prochaines années.
Une semaine après l’annonce de sa création le 14 avril dernier, le Comité stratégique de filière (CSF) « Logiciels et solutions numériques de confiance » a été officialisé publiquement avec la signature de son contrat de filière. Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’IA et du numérique, et Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, ont réuni le 22 avril les forces vives de la filière à Bercy pour un lancement en bonne et due forme. « Ce que nous construisons ensemble, c’est bien plus qu’une filière, c’est une vision. Pour partager notre avenir numérique et notre démocratie », a avancé avec emphase Clara Chappaz à cette occasion.
Contretemps frustrant en 2024
L’initiative avait été annoncée il y a déjà deux ans, avec des travaux préparatoires confiés à Michel Paulin, qui dirigeait alors OVHcloud. À partir de cette mise à plat des nombreux enjeux de la confiance numérique, la création officielle du Comité devait avoir lieu à l’été 2024, mais elle avait dû être ajournée à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale. Un contretemps frustrant, mais qui est maintenant de l’histoire ancienne. Et c’est en toute logique que Michel Paulin a pris la tête du CSF dorénavant constitué.
Les comités stratégiques de filière sont des instances de dialogue entre l’État et les différentes filières industrielles, supervisés par le Conseil national de l’industrie. Leur objectif est de maintenir un échange permanent sur tous les « sujets-clés qui permettent la reconquête industrielle française ». Le CSF dédié à la Confiance numérique est ainsi devenu le 20e comité de filière en opération, les autres couvrant des sujets variés allant de l’aéronautique au ferroviaire, en passant par le nucléaire, les infrastructures numériques ou l’industrie électronique. « Le numérique est une industrie. Il irrigue toute l’industrie. Et il est la clé de la compétitivité de l’industrie », a rappelé Marc Ferracci, en rappelant par ailleurs que « le retard numérique est l’une des principales causes du décrochage de l’Europe face aux États-Unis ».
Construire les alternatives
Dans un contexte de tension croissante entre les États-Unis et le Vieux Continent, et alors que la question des dépendances technologiques se pose avec plus d’acuité, Clara Chappaz a insisté sur le fait que « la souveraineté numérique, ce n’est pas tourner le dos au monde, mais c’est bien construire les alternatives qui assurent notre liberté de choix ». La ministre a pointé les changements majeurs qu’il faudra opérer. « 70 à 80 % de la dépense en services cloud de nos administrations, de nos entreprises, se tourne vers des acteurs non européens », a-t-elle ainsi illustré.
Évoquant lui aussi le contexte, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste, a épinglé « la rupture de la confiance dans le monde de la recherche » qui « révèle l’urgence d’établir les conditions d’un numérique de confiance, d’un numérique souverain en France et en Europe ». En mettant en avant l’excellence française en matière de formations d’ingénieurs, le ministre a appelé à ne pas s’en contenter : « Le développement de la filière signifie aussi qu’il faut faciliter le passage de la recherche du laboratoire à la création d’entreprise », a-t-il par exemple fixé comme objectif, en pointant le fait que « ce contrat de filière s’inscrit dans une démarche beaucoup plus large : celle de la réaffirmation de notre capacité à construire un environnement de confiance en France et en Europe ».
Cinq groupes de travail auxquels contribuer
L’officialisation du 22 avril a également été l’occasion de remettre l’accent sur la création des groupes de travail dédiés qui rassemblent des représentants de l’État, d’organismes de référence tels que le CESIN (Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique), le Cigref (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises), la CNIL et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, ainsi que plusieurs grandes entreprises françaises.
Le Comité en compte pour le moment cinq : « Solutions », « Innovation et Formation », « Données Sensibles », « Commande Publique » et « Export », avec la possibilité pour les acteurs intéressés de s’y inscrire pour contribuer depuis le site www.numeriquedeconfiance.fr.
Stanislas de Rémur, CEO de l’éditeur Oodrive, qui préside le groupe de travail « Données Sensibles » avec Olivier Vallet, PDG de Docaposte, a apporté quelques précisions sur le programme d’actions annoncées pour les deux prochaines années dans le cadre de leur groupe de travail. Celui-ci prévoit le développement d’une offre et d’infrastructures numériques de confiance, la définition des données sensibles « dans un cadre opérationnel partagé », et l’élaboration d’une méthode commune de classification, de protection et de gouvernance de ces données.
Un impératif stratégique à l’image de l’indépendance énergétique ou militaire
« [La souveraineté numérique] repose avant tout sur notre capacité à identifier clairement ce qu’est une donnée sensible et à la protéger efficacement. En définissant un cadre collectif clair, nous posons les bases d’une gouvernance robuste de l’information stratégique. C’est une étape essentielle pour permettre à l’écosystème français de bâtir une filière numérique de confiance, et une véritable reconnaissance pour Oodrive de contribuer à cette dynamique », a commenté le CEO d’Oodrive dans un communiqué.
David Chassan, directeur de la stratégie d’Outscale (Dassault Systèmes), estime pour sa part qu’avec « la signature officielle du contrat de filière des Logiciels et Solutions Numériques de Confiance, nous franchissons aujourd’hui une étape déterminante vers l’autonomie stratégique et technologique de la France et de l’Europe ». Il souligne à ce titre « que la souveraineté numérique est un impératif stratégique aussi essentiel que l’indépendance énergétique ou militaire ».