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Les trois priorités de l’Arcep en matière d’écoconception et d’étiquetage des équipements électroniques

Ecoconception et détiquetage des équipements électroniques

Dans une note parue en juillet dernier, l’Arcep met en avant ses propositions pour réduire l’obsolescence logicielle des ordinateurs et adopter une approche plus globale en matière de politiques d’écoconception numérique.

Si la numérisation peut être considérée comme un moteur pour décarboner certains autres secteurs, le secteur des TIC ne peut être dispensé de faire ses propres efforts et de réduire son propre impact. Il représente près de 4 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde et ces émissions devraient encore augmenter. En France, on estime ainsi que l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050, si aucune mesure n’est prise, selon une étude de l’Arcep et de l’Ademe.

Les appareils constituent la majeure partie de cette empreinte carbone, en particulier ceux qui sont les plus utilisés, comme les smartphones ou les ordinateurs. Au-delà des émissions de GES, le numérique est également responsable d’autres formes d’impacts environnementaux tels que l’épuisement des métaux et des minéraux, la consommation d’eau ou la production de déchets électroniques. Pour réduire l’empreinte environnementale des équipements et, plus généralement, des TIC, l’adoption de principes d’écoconception par l’industrie est une étape nécessaire pour améliorer la durabilité des produits et des services numériques.

Alors que la Commission européenne prépare actuellement des actes non-législatifs relatifs à l’écoconception et à l’étiquetage énergétique des ordinateurs et qu’elle devrait bientôt publier un nouveau plan de travail « Écoconception et étiquetage énergétique » pour 2025-2026, l’Arcep met en avant dans une note parue en juillet dernier des propositions développées sur la base de ses travaux sur la durabilité.

Atténuer l’obsolescence logicielle des ordinateurs en assurant un support à long terme de leurs systèmes d’exploitation

En 2020, les appareils représentaient 65 à 90 % de l’empreinte environnementale numérique française selon l’étude de l’Arcep et de l’Ademe. Et 22 % de l’empreinte carbone numérique française était due à environ 100 millions d’ordinateurs. La phase de fabrication des appareils grand public, mais aussi des centres de données et des réseaux, représente près de 80 % de l’empreinte carbone du numérique. Par conséquent, toute mesure susceptible d’allonger la durée de vie des appareils et de réduire le taux élevé de renouvellement doit être envisagée pour réduire leur empreinte écologique.

L’obsolescence des logiciels a été identifiée comme l’une des raisons pour lesquelles les consommateurs changent d’appareil, comme le souligne le baromètre du numérique de l’Arcep 2023. Pour y remédier, le Référentiel général d’écoconception des services numériques (RGESN), ensemble de bonnes pratiques publié en mai 2024, souligne l’impact positif du support logiciel de long terme en faveur de l’allongement de la durée de vie des appareils, et notamment l’importance de conserver des services numériques utilisables sur les anciens modèles.

Ainsi, l’Arcep invite la Commission à considérer l’impact des systèmes d’exploitation sur l’obsolescence des appareils et serait favorable à la définition d’exigences d’écoconception pour les systèmes d’exploitation. A cet égard, la Commission européenne pourrait envisager de demander aux fabricants et distributeurs d’ordinateurs d’assurer la maintenance des systèmes d’exploitation qu’ils choisissent de préinstaller sur leurs appareils.

« Dans cette optique, les fabricants et distributeurs d’ordinateurs devraient fournir gratuitement les mises à jour de sécurité essentielles pour leur utilisation, pendant une période de 10 ans à compter de la fin de la mise sur le marché de l’ordinateur associé. D’une part, cette obligation fait écho au cadre existant établi par le règlement de la Commission (2023) relatif aux exigences d’écoconception applicables aux smartphones et aux tablettes et, d’autre part, elle se réfère à la durée minimale recommandée dans le RGESN pour la compatibilité des services numériques avec les anciens appareils », peut-on lire dans la note de l’Arcep.

Plus largement, la Commission européenne pourrait s’intéresser à tous les leviers de la maintenance logicielle dans sa révision des exigences d’écoconception pour les ordinateurs. Par exemple, la capacité des acteurs du marché à fournir des informations claires sur les types de mises à jour proposées, en distinguant les mises à jour essentielles (correctives, de sécurité) des mises à jour non essentielles, l’absence de conséquences négatives (notamment sur la capacité de stockage et la mémoire vive) suite à l’installation de mises à jour fonctionnelles sur les performances de l’appareil, et une politique de gestion des microprogrammes permettant d’allonger la durée de vie des produits devraient être prises en compte.

En outre, lorsqu’un système d’exploitation n’est plus maintenu, il serait également important d’encourager les fournisseurs à ne pas entraver, mais plutôt à faciliter, l’utilisation de systèmes d’exploitation alternatifs. En complément des exigences d’écoconception et de l’atténuation de l’obsolescence des logiciels, les outils axés sur les données – tels que les labels, les index ou les bases de données publiques – représentent pour l’Arcep des leviers efficaces pour créer des incitations positives sur les marchés pour le développement de produits durables.

Adopter une approche globale des politiques d’écoconception pour les TIC

Adopter une approche globale des politiques d’écoconception, notamment en étendant les exigences d’écoconception aux services numériques, est la deuxième grande proposition de l’Arcep. Avec le règlement sur l’écoconception des produits durables (ESPR), une étape importante a été franchie en élargissant le champ d’application des exigences d’écoconception des produits liés à l’énergie à tous les produits matériels. Selon l’Arcep, la mise en œuvre de ce règlement sera un défi et pourrait constituer une étape importante dans la réalisation des objectifs environnementaux européens.

Parallèlement, les services, que l’on peut qualifier de produits immatériels, sont également une composante de l’empreinte environnementale de nos économies. Lorsque les consommateurs accèdent à un service numérique tel qu’une application, ils utilisent plusieurs appareils ainsi que des réseaux ou des centres de données pour la connexion à l’internet, le calcul ou le stockage des données.

« Il est évident que ces infrastructures numériques nécessitent de l’énergie, émettent des gaz à effet de serre et requièrent également des matières premières pour leur construction. Par conséquent, malgré la plus grande efficacité possible, plus les services numériques sont utilisés, plus les ressources nécessaires sont importantes. Les services numériques sont donc un élément clé pour comprendre l’empreinte environnementale du secteur des TIC et les tendances de croissance actuelles, et devraient donc faire l’objet d’une plus grande attention, y compris d’un point de vue réglementaire », peut-on lire dans le rapport de l’Arcep.

Pour illustrer ce point, l’un des messages clés de l’étude Arcep-Ademe est l’importance de la prise en compte des interdépendances entre l’empreinte environnementale des infrastructures et celle des appareils, qui sont liées puisqu’elles soutiennent toutes deux l’utilisation des services. Cela conduit à suggérer que les questions environnementales devraient être incluses dans la conception des services numériques, afin de permettre la conciliation des objectifs environnementaux et de la numérisation.

En d’autres termes, l’Arcep souhaite appeler la Commission européenne à adopter une approche globale des politiques d’écoconception, en incluant les services – par exemple, les services numériques – dans le champ de ses futures initiatives. Ceci serait cohérent avec l’objectif de réflexion sur les mesures relatives aux impacts environnementaux des fournisseurs d’applications de contenu mentionné dans le Livre blanc de la Commission européenne intitulé « Comment maîtriser les besoins de l’Europe en matière d’infrastructure numérique ».

Étendre les exigences d’écoconception et l’étiquetage énergétique à d’autres produits numériques (routeurs, décodeurs)

Les cadres réglementaires européens sur l’écoconception et l’étiquetage énergétique sont des instruments politiques puissants pour soutenir l’écologisation des économies européennes, tout en favorisant la sensibilisation des consommateurs à l’impact environnemental différencié de leurs produits. Dans ce contexte, l’Arcep invite la Commission européenne à considérer l’inclusion de tous les produits numériques ayant des impacts environnementaux significatifs dans ses cadres.

Dans son étude annuelle « Achieving digital sustainability », l’Arcep a identifié qu’en France, les routeurs et décodeurs ont consommé 3,3 TWh en 2022. Cela représente plus de trois fois la consommation des réseaux fixes, et constitue 0,7% de la consommation globale d’électricité en France. La consommation instantanée d’électricité peut également varier fortement selon le modèle, allant de 3,6 à 25 W pour les routeurs, et de 2,3 à 17,7 W pour les décodeurs. La mise à disposition de ces données aux consommateurs par le biais de l’étiquetage permettrait de mettre en évidence cette grande différence de consommation d’électricité.

Au-delà de l’extension des exigences d’étiquetage, il existe une marge de progression importante pour réduire la consommation électrique de ces produits numériques, à travers des exigences d’écoconception mais aussi le développement de fonctions de mise en veille profonde automatique. Ces mesures pourraient être appliquées uniquement aux routeurs et décodeurs nouvellement mis sur le marché, afin d’éviter tout effet rebond ou d’inciter au renouvellement du parc actuel de décodeurs.

Sur la base des conclusions ci-dessus et compte tenu de leur impact significatif sur l’environnement, il serait donc positif d’étendre les exigences d’écoconception aux routeurs et aux décodeurs (y compris pour la télévision numérique terrestre) afin de réduire leur empreinte environnementale, en particulier leur consommation d’énergie. Une prochaine étape logique dans la prise en compte de l’impact environnemental de tous les produits numériques pourrait être d’envisager d’inclure les équipements radio de réseau dans ce cadre, car ils représentent également une part importante de l’empreinte environnementale numérique (les réseaux représentant 4 à 14 % de l’empreinte environnementale du secteur des TIC).

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