Dans sa nouvelle chronique, l’avocat Eric Barbry tire son chapeau devant la révolution en cours dans le monde de la vente aux enchères, face à l’urgence de la croissance du marché des NFT.
A lire aussi : [Chronique] Phénomène des NFT et régime fiscal : à quand une vraie réponse ?
Je salue en effet un rebondissement assez inattendu (en tous cas à court terme) dans le monde du marché de l’art français : le 28 février a été promulguée la loi n°2022-267 visant à moderniser la régulation du marché de l’art publiée au Journal Officiel le 1er mars 2022. Elle comporte un article 5 qui s’apprête à apporter un nouveau souffle aux ventes aux enchères publiques françaises.
En effet, désormais le premier alinéa de l’article L. 320-1 du Code de commerce est ainsi rédigé : «Les ventes aux enchères publiques de meubles sont régies par le présent titre, sous réserve des dispositions particulières à la vente de certains meubles incorporels.»
Les parlementaires réagissent au développement fulgurant du marché des NFT
Ces nouvelles dispositions sont particulièrement innovantes dès lors qu’elles ouvrent le champ d’application des ventes aux enchères publiques aux biens meubles incorporels là, où elles étaient jusqu’alors réservées aux seuls biens « meubles et effets mobiliers corporels » selon l’ancienne version de l’article L. 320-1 du Code de commerce. Le deuxième alinéa de l’article L. 321-1 du Code de commerce précisaient que les biens meubles concernés par ce chapitre étaient les biens meubles par nature au sens de l’article 528 du Code civil.
C’est d’ailleurs au regard du « développement fulgurant du marché des NFT » tel que cela a été avancé lors des débats parlementaires et notamment de l’ampleur des ventes aux enchères publiques d’œuvres d’art sous forme de NFT à l’étranger que la rédaction jusqu’alors en vigueur du Code de commerce s’est révélée bloquante pour les maisons de ventes aux enchères françaises.
En effet, les ‘Non Fungible Tokens’ (NFT), certificats d’authenticité attribués à des contenus numériques par le biais de la blockchain qui les rend « uniques » et donc infongibles, ont largement envahi le monde du marché de l’art.
Une loi qui répond à l’urgence
En 2021, la première œuvre d’art sous forme de NFT « Everydays : The first 5000 days » de l’artiste Beeple a été vendue pour la somme de 69,3 millions de dollars par la maison de vente aux enchères Christie’s. Depuis, le phénomène n’a cessé de croître et de se populariser : que ce soit le rappeur Booba qui a sorti son dernier titre sous forme de NFT, la collection d’images des singes « Bored Ape Yatch Club » que toutes les stars américaines s’arrachent pour plusieurs millions de dollars ou encore le célèbre festival californien Coachella qui a mis en vente certains tickets de sa prochaine édition et des photographies du festival sous forme de NFT.
Le Conseil des Ventes Volontaires, autorité de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, s’était d’ailleurs positionné en ce sens à travers un rapport présenté par Cyril Barthalois, membre du Conseil et secrétaire général de l’académie des beaux-arts, consacré aux « Ventes volontaires aux enchères publiques à l’heure des NFT », qui avait abouti le 20 janvier 2022 à l’adoption de plusieurs recommandations par le Conseil des Ventes Volontaires qui envisageaient une évolution à moyen terme de la loi et à court terme un régime dérogatoire permettant la vente d’œuvres sous forme de NFT dans un mode déclaratif.
C’est désormais chose faite, et plus rapidement qu’imaginé !
Ainsi, par l’adoption d’une telle loi la France répond à l’urgence des maisons de vente aux enchères et se positionne stratégiquement sur ce marché qui promet des perspectives économiques florissantes.
Mais cette (r)évolution ne s’arrête pas aux NFT car la loi permet dorénavant la vente de tout bien incorporel et donc aussi aux noms de domaines, marques, brevets, licences ou encore des fonds de commerce.