Depuis les confinements, les quartiers d’affaires perdent lentement le flot de salariés qui les animaient en journée et en conséquence de nombreux commerces ferment. A l’opposé, dans les secteurs plus résidentiels, certaines rues reviennent à la vie.
La ville a été désertée par les salariés de la Tech et ce premier « trou » dans le filet a amené rapidement les rues à se vider. « Certaines entreprises technologiques ont carrément fermé leur siège dans la ville, indique Le Temps. Un quart des bureaux et surfaces commerciales sont vides, faisant plonger les rentrées fiscales. Une étude récente montre que le nombre d’appels passés par un téléphone portable depuis le centre de San Francisco est aujourd’hui trois fois inférieur au niveau d’avant la pandémie. Le télétravail est une catastrophe pour les commerces qui continuent de fermer les uns après les autres. »
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Dépendante du secteur tertiaire, San Francisco peine à se relever de la pandémie de Covid. « La plupart des grandes villes américaines sont convalescentes et perdent des habitants aux profits des périphéries ou d’autres cités plus petites, où la vie est moins chère. Mais ce phénomène n’est nulle part aussi prononcé qu’à San Francisco, où le télétravail atteint des records. »
Ailleurs dans le monde, comme à Londres ou à Paris, d’autres villes sont concernées. Le quartier de la Défense est-il voué à une expérience similaire ? « Plus personne ne rêve de venir travailler ici » relevaient Les Echos en février dernier.
Promesses de changement à la Défense
L’indicateur du taux de vacance, qui mesure le pourcentage de bureaux vides à louer, a bondi de 20,5% selon Stéphanie Galiègue, directrice générale déléguée en charge de la recherche et des études à l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF). Et ce, « alors qu’il n’est que de 2,5 % pour Paris QCA, le très coté quartier central des affaires intra-muros, et s’établit à 7,2 % à l’échelle de toute l’Ile-de-France. »
Parmi les promesses de changements à la Défense, les projets d’installation de salles de sport, de services de santé, d’hôtels et résidence de tourisme, ou encore l’arrivée l’année dernière du groupe Omnes, avec 12 écoles et 30 000 étudiants.
Ces mutations profondes viennent percuter un autre enjeu : celui de la transition énergétique. En effet, les quartiers d’affaires, souvent très bétonnés, sont appelés à se transformer rapidement.
Un mouvement qui s’entremêle aussi avec la crise du logement que nous vivons en ce moment – elle est majeure. Dans une interview au Monde la semaine dernière, Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity, revient en détail sur la « chronique d’une crise annoncée », entre restriction des crédits immobiliers, chute des chantiers en construction neuve et contraintes de rénovation énergétique.
Prendre part à la réflexion sur le futur des quartiers
Dans l’ouvrage « A distance » dont nous vous parlions en mai dernier https://www.alliancy.fr/a-distance-reflexion-pluridisciplinaire-teletravail (trois chercheurs et 50 interviewés, autour des révolutions engendrées par le télétravail), le dernier chapitre intitulé « Nouvelles frontières » explore notamment la vie des quartiers résidentiels, maintenant que leurs habitants ne les quittent plus forcément tous les matins pour aller travailler dans d’autres parties de la ville. Des commerces s’y installent, ainsi que des activités de loisirs pour la pause-déjeuner.
« Partout, un défi pour les territoires » (Lamia Kamial-Chaoui), « Le mirage de l’exode urbain » (Max Rousseau), « Visio, boulot, dodo : quels impacts sur les transports ? » (Florian Tedeschi), « Stratégies immobilières : le temps des adaptations » (Renaud Roger), « Un impact potentiel sur les finances locales » ( Valentin Sauques), « La pérennisation du télétravail suppose de réinvestir les territoires (Dominique Méda)… tous ces articles parus dans « A distance » nous invitent à la réflexion.
Cela rend certes très difficile d’imaginer à quoi pourrait bien ressembler, demain, tel ou tel quartier, mais cela nous invite surtout à prendre part à cette réflexion, en tant qu’entrepreneurs, salariés et/ou citoyens.
Les tiers-lieux font peut-être partie des pistes à explorer. L’Agence nationale de la cohésion des territoires et le Cerema ont collaboré de l’automne 2022 au printemps 2023 autour d’une analyse transnationale des tiers-lieux, avec 15 entretiens dans 10 pays : ils soulignent « quelques signaux faibles porteurs d’avenir » : « la fonction de résilience des tiers-lieux face aux crises, le mode de gouvernance avec une grande responsabilisation des membres, l’existence de tiers-lieux avec de la production haut-de-gamme et le développement d’innovations pointues » ou encore «la production de savoirs entre pairs qui se développe de plus en plus et rend rapidement opérationnel ».