Cela fait quelques années que les gestionnaires de voyages d’affaires constatent un changement dans les habitudes des professionnels, qui veulent obtenir les mêmes possibilités que pour leurs déplacements de loisirs. Pour répondre à ces attentes, ils ont placé la data et l’intelligence artificielle au cœur de leurs stratégies.
Chatbot de conseils, réservation de voyage par smartphone ou alertes en cas de perturbations… Les technologies s’immiscent à chaque étape d’un voyage d’affaires. Pour les gestionnaires de séjour, obligés de répondre aux attentes digitales des professionnels, l’intelligence artificielle (IA) et la personnalisation des offres sont devenues un élément clé.
Carlson Wagonlit Travel (CWT) mise notamment sur les possibilités offertes par les chatbots. Le groupe américain travaille depuis un an avec la start-up Destygo à l’élaboration d’un agent conversationnel pour effectuer des réservations d’hôtels sur smartphone. D’informationnels, comme celui déployé sur Facebook pour évaluer le niveau de satisfaction des clients, les chatbots de CWT deviennent transactionnels. « Il faut arriver à être le plus pertinent possible car, si sur ordinateur on peut présenter 250 hôtels, sur un chatbot on ne peut aller au-delà de cinq », précise Régis Pezous, directeur product Incubation du travel manager.
[bctt tweet= »Régis Pezous (@CwtFr) : « Il faut arriver à être le plus pertinent possible car sur un chatbot, on ne peut pas présenter plus de cinq hôtels. » #data » username= »Alliancy_lemag »]CWT s’attèle également à créer un système de prédiction des prix des billets d’avion à partir de machine-learning. « Anticiper à l’avance les fluctuations des prix permettrait d’éviter les frais de modification », souligne Régis Pezous, rappelant que la principale attente des clients est la maîtrise du budget.
L’IA : un moyen de connaître les préférences des voyageurs
De son côté, American Express Global Business Travel (GBT) se penche sur de la recommandation de voyages. « Auparavant, nous nous limitions à la politique voyage de l’entreprise. Mais la réalité est plus complexe, reconnaît Christophe Tcheng, vice-président Products & Platform de GBT. Le collaborateur préfère parfois partir le dimanche pour être à sa réunion le lundi matin, ou voyager à côté de collègues qu’il vient de rencontrer. Ce sont ces préférences que nous voulons connaître pour proposer des options pertinentes. » Une modernisation des infrastructures est ainsi en cours, et l’IA est érigée en « exosquelette » de la nouvelle architecture afin de mieux cerner le comportement des individus.
Et au-delà des travel manager, c’est tout l’écosystème qui s’intéresse à l’IA. Le groupe d’agences de voyages Expedia utilise également la technologie pour déterminer quelle image d’un hôtel afficher pour avoir une influence sur la vente des nuitées. De même, Air France-KLM mène un programme d’IA incluant de la reconnaissance vocale.
Au cœur de ces nouvelles offres : la data. Cette dernière force les gestionnaires de voyages, qui doivent gérer à la fois les demandes des entreprises dans le cadre des politiques voyages et les souhaits des collaborateurs, à repenser leur stratégie. « Dans une logique axée big data, nous avons créé un data lake stockant les données structurées pendant sept ans et nous avons réorganisé les équipes et les outils pour faire de la visualisation et des prédictions », détaille Christophe Tcheng.
De nouveaux traitements de données avec le RGPD
Le pôle technologique de CWT, basé à Tel-Aviv, a développé un nouvel outil, Travel Insight, permettant d’agréger les informations du client et de les rendre disponibles à ses partenaires. « Nous sommes en contact avec une myriade d’acteurs, les entreprises, les compagnies aériennes, les hôtels… la montée en puissance des flux de données est compliquée à canaliser. Nous avons recruté nos premiers datascientists en 2009 pour regrouper les informations mais nous avons encore des zones grises », explique Régis Pezous, pour CWT, reconnaissant que les nombreuses sources d’information restent la principale difficulté des travel manager.
La question du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) n’impacte pas les recherches, selon les dires des deux groupes. « Nous avons déjà une obligation de transparence, les informations sur les voyages des collaborateurs d’un client ne nous appartiennent pas », indique Régis Pezous, soucieux du mouvement de méfiance que le traitement de la donnée engendre au sein de la population. Le RGPD induit tout de même un changement dans le traitement de la donnée : « Nous allons devoir anonymiser les informations dans des jeux de données », concède Christophe Tcheng.
D’après les deux acteurs, le voyage d’affaire est voué à devenir encore plus technologique. « Il sera davantage mobile, intégré à l’écosystème et l’IA prendra une part plus importante dans le conseil », prédit Christophe Tcheng. « Il faut que l’on donne un maximum de choix au collaborateur, on ne peut plus imposer un canal unique », soutient Régis Pezous, développant notamment le marché chinois où le mobile prédomine.