Pour s’inscrire dans l’air du temps et suivre la cadence technologique en cours, le fournisseur d’électricité tricolore EDF s’est muni il y a deux ans d’une filiale intitulée Exaion. L’entreprise spécialisée en Web3, développe des solutions basées sur la blockchain pour le compte d’EDF et d’autres clients externes. Son cofondateur et CEO Fatih Balyeli présente pour Alliancy ses objectifs : offrir un accès à une blockchain bas-carbone et souveraine.
Fatih Balyeli, cofondateur et CEO d’Exaion.
Alliancy. Comment vous est venue l’idée de créer Exaion ?
Fatih Balyeli : Avant de créer Exaion, j’ai eu plusieurs vies d’entrepreneur ou bien encore de financier – à l’image de mon poste de directeur d’investissement dans l’EDF Pulse Ventures, avec un focus sur le digital, l’IA, l’IoT et la blockchain. Mon rôle était justement de remplir le trou dans la raquette d’EDF en matière de technologies émergentes. L’offre d’Exaion se concentre autour de trois types de service : la blockchain-as-a-service, le cloud 3D et l’edge computing.
Comment vivez-vous l’intérêt grandissant pour le Web3 qui se manifeste aujourd’hui ?
Nous avons affaire à un terme marketing qui vient englober des technologies sur lesquelles nous étions déjà investis comme le cloud 3D, la blockchain ou encore le datacenter décentralisé avec l’edge computing. Toutes ces technologies combinées sont en fait l’équivalent de ce qui est qualifié de Web3.
De la même manière, le métaverse n’est rien de plus qu’une réalité augmentée et nous n’avons pas attendu son irruption pour collaborer sur ce sujet avec des studios d’animation et de production. L’an dernier, Exaion a par exemple signé un partenariat avec Nvidia dans le cadre de son programme “Inception” qui accélère le développement de start-up sur le Web3 et la blockchain.
Chez Exaion, des cartes graphiques de Nvidia sont aussi utilisées, non pas pour miner du bitcoin, mais plutôt pour développer des “smart contract” (contrats intelligents) et gérer une infrastructure capable de garantir la stabilité de nos protocoles blockchain. Nous avons aussi signé un partenariat avec Hypernet Labs pour démocratiser nos activités de supercalcul : notre offre de cloud est désormais accessible via leur application web Galileo.
Comment les entreprises abordent-elles le sujet de la blockchain ?
Nous souhaitons nous positionner comme un partenaire de confiance dans le développement de projets blockchain dans les entreprises. Avant d’arriver sur le marché, il n’existait que des start-up missionnées sur des projets très précis et qui ont parfois du mal à adapter leur offre aux besoins métier du client.
Trop souvent, les intermédiaires mobilisés pour un projet de ce type ont des divergences en matière de projection technique du projet. À l’issue, cela fait naître un PoC (Proof-of-Concept) non exploitable et en bout de course les entreprises deviennent convaincues qu’il n’est pas possible d’industrialiser la blockchain.
Chez Exaion, nous avons nos propres infrastructures d’hébergement de données en Normandie et nous sommes agnostiques au sujet des protocoles utilisés. Cette approche neutre de la blockchain privilégie en revanche des protocoles moins énergivores que ceux utilisés pour miner le bitcoin.
Pouvez-vous nous citer quelques cas d’usage ?
Nous pouvons citer des clients comme Casino qui travaillent sur la mise en place de “smart contracts” dans leurs process. Nous collaborons également avec Forge, une filiale de la Société Générale qui vient de participer à l’émission d’une dette obligataire de 100 millions d’euros sur la blockchain Ethereum pour le compte de la Banque Européenne d’Investissement (BEI).
Dernièrement, nous venons aussi de finir le déploiement d’un cas d’usage pour le compte des douanes françaises afin de mieux repérer les biocarburants qui passent nos frontières et ainsi les taxer avec plus de précision. Pour EDF, Exaion travaille sur la traçabilité de l’énergie, l’échange en pair à pair de surplus d’énergie ainsi que la certification sur la blockchain de l’authenticité de documents officiels pour lutter contre la désinformation financière.
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Vous vous dites être eco-responsable grâce aux protocoles 3ème génération et le consensus par preuve d’enjeu (PoS)… Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous utilisons le protocole en opensource Tezos qui nous permet de développer des smart contracts à partir de registres décentralisés (blockchain) autour de la cryptomonnaie. Ainsi, la preuve d’enjeu (PoS : Proof-of-Stake) est assurée et rend possible le consensus distribué entre toutes les parties prenantes. Ce même protocole a fait ses preuves et a permis par exemple aux acteurs du cinéma de lancer leur propre cryptomonnaie (le « KlapCoin »).
D’après un rapport de PwC l’année dernière, le protocole Tezos a fait de grands efforts tant en matière de réduction de son empreinte carbone que de consommation d’énergie. La consommation énergétique de Tezos serait l’équivalent de l’empreinte de 17 personnes.
Nous proposons donc une blockchain plus éco-responsable et à cela s’ajoute le fait que le mix énergétique français est très décarboné par rapport au reste du monde. Mais nos efforts ne s’arrêtent pas là et nous cherchons constamment à innover dans la récupération du surplus de chaleur de nos data centers et la réduction d’énergie nécessaire à leur refroidissement. Nous arrivons à une moyenne de 40 grammes de CO2 par kilowattheure et cette part est compensée majoritairement par la plantation d’arbres.
Il n’y a pas de greenwashing caché dans notre démarche : nous ne plantons pas des arbres pour compenser du minage de bitcoin en Chine. Nous avons effectivement la chance d’avoir accès en France à une électricité décarbonée, peu chère, ainsi qu’à des conditions climatiques favorables – EDF a par exemple installé des data center en Normandie pour assurer un meilleur refroidissement.
Exaion a hérité des gènes transmis par EDF dans son approche éco-responsable, sa mission de service public et sa forme de souveraineté. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le Général de Gaulle dans les années 60 accordait à EDF une mission plus forte d’indépendance grâce au nucléaire – qui est aujourd’hui poursuivie à l’ère du digital et rejoint le projet de souveraineté du cloud européen.
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Dans une vidéo entretien avec Sébastien Borget, cofondateur du métaverse The Sandbox, ce dernier partageait la nécessité de garantir la décentralisation du métavers, en opposition aux systèmes fermés que souhaitent déployer les Gafam comme Meta… Partagez-vous cette conviction ?
Oui, trop souvent les cas d’usage décentralisés sur une blockchain sont ensuite hébergés sur le cloud de Gafam. Nous devons contribuer à l’émergence d’un Web3 européen qui respecte nos valeurs. Mais pour cela, nous avons besoin d’autres acteurs comme nous pour parvenir à une réelle décentralisation. Il faut donc que l’Europe privilégie des investissements plus massifs pour que nous puissions nous imposer à l’international.