La deeptech XXII Group, basée près de la Défense, est spécialisée en Computer Vision, Machine Learning et Deep Learning, experte en IA. Elle propose une solution pour les collectivités et les entreprises afin d’analyser en temps réel les flux vidéo des caméras de surveillance. Un sujet où la confiance doit régner.
L’an dernier, XXII Group, start-up cofondée par William Eldin et Damien Mulhem en 2015, a lancé sa nouvelle solution, le XXIICore. Sa déclinaison SmartCity permet aux collectivités territoriales d’analyser en temps réel les flux vidéo des caméras de surveillance déjà installées, tandis que SmartInfra permet aux entreprises d’analyser en temps réel les flux vidéo des caméras déjà installées sur leurs sites.
Les nombreux cas d’usages vont de la sécurité (chute, agression, vol, infraction routière…) à l’écologie (dépôt sauvage et ramassage des ordures, éclairage public…), en passant par des enjeux de mobilité (gestion du trafic, passage piéton apaisé, pilotage des feux rouges, double-file, stationnement interdit…).
« Historiquement, les caméras sont opérées par les polices municipales pour des usages sécuritaires. Cela reste toujours le cas majoritairement, mais les détections peuvent être faites en dehors du centre de supervision urbain, comme sur la mobilité par exemple ou l’environnement, à condition de paramétrer les algorithmes et les alertes en fonction des besoins », explique William Eldin, PDG de XXII. Par exemple, l’élu d’une ville peut vouloir les données sur les véhicules lors des sorties d’écoles… ou autres.
Une trentaine de villes en France se sont montrées intéressées ces derniers mois et, peu à peu, la start-up signe avec les stades de foot, les circuits automobiles, les parcs d’attractions, des centres logistiques et sites industriels, ou encore la grande distribution pour mieux gérer les flux notamment…« On a fini l’année 2021 avec 1,5 million de revenus, dont un million d’abonnements avec les villes », précise le dirigeant trentenaire, qui réfléchit à ouvrir le capital prochainement, son objectif étant d’atteindre les 25 millions d’euros en 2025. XXII vient d’ailleurs d’implanter des bureaux en Allemagne et en Espagne et réfléchit à s’installer à Dubaï (EAU), puis aux Etats-Unis en 2023.
Près d’une soixantaine de personnes travaille à ce jour dans les locaux de Puteaux, près de la Défense, effectif qui sera doublé cette année pour se renforcer en France et attaquer l’Europe. « Nous faisons venir des seniors dans l’entreprise en ce moment, des spécialistes du recrutement également ». Un objectif compliqué à l’heure de l’explosion du nombre de licornes… qui dévoilent toutes des plans massifs de recrutement de développeurs et autres ingénieurs IT.
Pour séduire les talents, William Eldin insiste : « La clé, c’est que les ingénieurs en IA sont des artistes, estime-t-il, qui aiment les sujets attrayants, c’est-à-dire là où ils ne sont pas un numéro dans une chaîne de valeur. A l’inverse des grands groupes, chez nous, ils travaillent en circuit court et sont maîtres de leur projet car nous sommes et restons une boîte à taille humaine. »
« L’éthique de l’IA par exemple fait partie des discussions lors des entretiens d’embauche, poursuit-il, tournés davantage vers la transparence et la finalité, et toujours proches de l’humain. Concernant les salaires, très élevés dans ce domaine, on propose notamment des packs d’actions convertibles, qui peuvent faire gagner à terme au vu de notre croissance. »
Voir aussi notre rencontre [Alliancy Connect] dédiée à « l’éthique de l’IA : une préoccupation croissante, mais souvent mal cernée »
Au-delà de structurer d’autres verticales que la sécurité (que sont la grande distribution et l’industrie…), la start-up envisage également dès cette année de s’implanter dans Paris, dans de nouveaux bureaux plus attractifs pour séduire les talents. « Le vivier est Paris intramuros », conclut-il.
Comment amener de la confiance et de la transparence ?
La startup XXII est spécialisée dans les technologies de vision par ordinateur. Les usages de celles-ci peuvent donc toucher à des domaines sensibles. Ses dirigeants, dont son cofondateur William Eldin, ont tenu à ouvrir le débat de l’éthique en interne. Un comité d’éthique a été constitué, comprenant notamment des intervenants externes. Une charte soumise et approuvée par l’ensemble du personnel a également été rédigée. Et la start-up s’est aussi fixé des limites quant aux applications de ses solutions de computer vision. Elle s’interdit par exemple la reconnaissance faciale dans les lieux publics.
XXII a pu ainsi être amenée à refuser des contrats, contraires aux principes de sa charte (déclinée aujourd’hui sous forme d’une charte externe). « Il ne s’agit pas seulement de grands principes. La charte se veut un document exploitable dans les opérations. Surtout, elle définit les méthodologies d’apprentissage des algorithmes, mais aussi les sources de données et les moyens de les collecter », détaille William Eldin, PDG de XXII.
Au-delà, William Eldin précise que « dans le développement du logiciel et le code, on ne reconnait pas un visage. Il n’y a pas de reconnaissance biométrique ! Nos algorithmes le classifient comme un humain, rien de plus, au même titre qu’un bus. » XXII Group élabore également, en tant que co-responsable, avec ses clients l’AIPD, un outil de la Cnil qui permet de construire un traitement conforme au RGPD et respectueux de la vie privée en fonction des usages et traitements souhaités des données. « Enfin, nous sommes pour la transparence de nos données. Pour construire nos algorithmes, nous avons un circuit de labellisation des datas que l’on identifie et classe sur un logiciel interne. On sait exactement quel algorithme a appris avec quelle base de données pour l’apprentissage de nos bases… », conclut-il.
C. Moal, avec Christophe Auffray