Huit grands groupes industriels ont présenté récemment un « Manifeste pour l’intelligence artificielle », en vue d’engager ensemble des actions concrètes. L’Académie des Technologies (ADT) soutient ce manifeste. Entretien avec Yves Caseau, le président de son pôle numérique.
Alliancy. Pourquoi soutenir ce manifeste en tant qu’Académie des Technologies ?
Yves Caseau. Ce manifeste est très aligné avec le rapport sur l’Intelligence Artificielle (IA) publié l’an dernier par l’ADT. Nous avons dit avec force qu’il fallait regarder l’IA sous l’angle de l’industrie, en particulier sous l’angle de l’ingénierie et du logiciel. Nous retrouvons dans ce manifeste des thèmes qui nous sont chers et qui n’ont pas été suffisamment mis en exergue dans le rapport Villani : l’industrie 4.0 ; l’importance de l’intégration et donc des compétences logicielles au-delà des algorithmes ; le rôle de l’ingénierie de système et le fait que les acteurs industriels doivent développer leur propre forme d’intelligence artificielle à partir des briques largement disponibles. Nous pensons également, et je cite ici le manifeste, qu’il faut « diffuser rapidement les cas d’usage de l’IA dans les systèmes industriels ». En effet, « il s’agit également d’accroître la visibilité des usages de l’IA dans l’industrie, et d’y attirer les meilleurs talents ».
En tant qu’Académie des Technologies, y allez-vous participer d’une manière ou d’une autre ?
Yves Caseau. Il s’agit d’un groupement d’industriels et d’acteurs qui produisent des systèmes et des logiciels. L’ADT n’a donc pas vocation à participer en tant que signataire, mais nous soutenons vivement cette initiative et sommes prêt à y contribuer avec nos moyens académiques, qu’il s’agisse de publications, conférences ou de missions. Le rôle de l’ADT est précisément d’aider les industriels français dans leurs usages des nouvelles technologies. Le pôle numérique de l’ADT travaille depuis un an sur le thème de l’industrie 4.0.
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Est-ce important cette mise en commun entre industriels ? Que peut-on réellement en attendre ?
Yves Caseau. Oui, pour plusieurs raisons. Il faut faire masse pour être mieux entendu par les pouvoirs publics, à la fois pour favoriser les investissements annoncés dans le monde de la recherche, et pour s’assurer que les dimensions logicielles et ingénierie des systèmes reçoivent toute l’attention requise ; l’industrie est un des domaines d’application les plus fructueux de l’intelligence artificielle, comme l’évoque le manifeste. Il est fondamental de le faire savoir auprès des jeunes talents digitaux français. Enfin, ce manifeste sert à regrouper des acteurs industriels français afin de favoriser et d’intensifier la collaboration avec les différents acteurs innovants, depuis la recherche publique jusqu’aux start-up. Ce regroupement favorise la lisibilité (quelles sont les priorités ?) et l’efficacité.
Pourquoi un groupe industriel comme Michelin n’en fait pas partie ? Compte-t-il participer à certains travaux ?
Yves Caseau. Il est important de noter que je réponds en tant que président du pôle numérique de l’ADT, et non en tant que DSI de Michelin. Ceci étant dit, Michelin s’intéresse à ce manifeste et a déjà pris des premiers contacts pour rejoindre ce groupe d’industriels.
* Yves Caseau occupe le poste de directeur des Systèmes d’Information du groupe Michelin, après un parcours au sein du groupe Bouygues, comme directeur des nouvelles technologies, DSI de Bouygues Telecom, puis chez AXA.
Huit industriels ensemble dans l’IA
Le 3 juillet, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a rendu publiques plusieurs mesures dans le cadre de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle. À cette occasion, huit grands groupes engagés dans la transformation numérique (Air Liquide, Dassault Aviation, EdF, Renault, Safran, Thales, Total et Valeo) ont présenté un « Manifeste pour l’intelligence artificielle ». Ils souhaitent la partager avec les décideurs politiques et en discuter la mise en œuvre au niveau national et européen, et sont prêts à engager des actions concrètes. L’Académie des Technologies soutient ce manifeste qui est tout à fait en lien avec ses recommandations d’avril 2018 sur le renouveau de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique.