L’Académie des technologies destine son rapport aux entreprises pour les encourager à adopter rapidement l’intelligence artificielle et à trouver de nouveaux business-modèles. Yves Caseau, à la fois académicien à la tête de la commission Technologies de l’information et de la communication en charge de sa rédaction et DSI de Michelin, explique les raisons qui freinent les directions et la manière dont elles devraient procéder.
Comment expliquez-vous la faible adoption de l’IA dont vous faites part ?
Yves Caseau. Nous nous sommes rendus compte qu’il y a en France non pas un problème d’offre mais de demande. Contrairement aux élites américaines, les comex français n’ont pas d’appétence pour les technologies. Ce qui est un paradoxe, alors que la plupart des médias rapportent des avancées dans le domaine et s’enthousiasment pour ce sujet. C’est pourquoi nous appelons à une formation des décideurs, pour qu’ils ne craignent plus que l’IA dérange leur façon de procéder. Car les entreprises, comme les politiques, n’ont pas adopté selon moi la bonne démarche. Ils sont dans une vision statique, se limitant à l’élaboration de feuilles de route. Or, il est nécessaire d’être dynamique sur ces sujets.
Quels conseils donneriez-vous sur la manière d’opérer ?
Yves Caseau. La première chose à faire, comme nous le soulignons dans le rapport, est d’expérimenter continuellement et de connaître les différentes solutions disponibles. L’IA ne se limite pas aux réseaux de neurones, c’est la raison pour laquelle nous avons commencé ce rapport par une définition de la technologie et de ses usages. Pour donner envie aux entreprises de s’y intéresser, il fallait clarifier la technologie. Ensuite, il faut veiller aux logiciels informatiques. Les entreprises ne s’intéressent pas assez à cette question alors qu’il s’agit d’une composante essentielle. En tant que DSI de Michelin, j’essaie par exemple de faire en sorte que l’architecture et l’environnement logiciel reste les plus modernes possibles pour permettre des expérimentations. J’estime par ailleurs que l’IA n’est pas un savoir-faire à externaliser. On ne peut pas sous-traiter la compétence de son métier.
Pourquoi avoir choisi de délivrer vos messages aux entreprises spécifiquement ?
Yves Caseau. Car c’est maintenant qu’elles doivent s’emparer du sujet pour rester compétitives. Les sociétés comme Facebook, Amazon ou Uber ont basé leur succès sur l’IA et cela a abouti à l’émergence de nouveaux services et usages. Dans tous les secteurs, les clients sont désormais en attente de nouvelles propositions et l’intelligence artificielle est un moyen de renforcer le dialogue entre les entreprises et leurs clients. Nous observons par ailleurs l’arrivée dans les usines du digital manufacturing. Jusqu’alors, il y avait une distinction entre le CRM – piloté par le marketing pour la gestion de la relation client – et la supply chain – gérée par la DSI pour les besoins de l’usine. Nous nous dirigeons vers une interconnexion des deux. Seule l’IA permettra d’associer ces deux processus de manière intelligente et souple afin que le client en contact avec le marketing puisse savoir où se trouve sa commande. Il est évident que l’IA va être créatrice de valeur.
France : l’IA en chiffres
• La France compte parmi les quatre premiers pays au monde pour la production mondiale d’articles sur l’intelligence artificielle, avec la Chine, les États-Unis, et le Royaume-Uni.
• 268 équipes de recherche.
• 5 300 chercheurs.
• 81 écoles d’ingénieurs et 38 universités délivrant 138 cours liés à l’IA.
• 18 diplômes de mastères spécialisés en IA.
• 80 ETI et PME et plus de 270 start-up spécialisées dans l’IA, avec un rythme de création soutenu (plus de 30 % par an depuis 2010).
• 400 millions d’euros par an de financement public pour la recherche en IA.
Pour aller plus loin, lire notre article sur la publication du rapport de l’Académie des technologies :