Directeur général en charge du digital pour le Groupe BPCE, Yves Tyrode est intervenu mercredi 13 juin à la conférence annuelle d’Anaplan, le Hub Comes to You sur le thème du planning connecté à la Maison de la Mutualité. Il est revenu sur les chantiers de la transformation digitale du groupe, notamment en matière de data, « outil de production d’une banque » selon lui. Alliancy l’a rencontré en marge de l’événement pour aborder les enjeux des nouveaux modes de paiement.
Alliancy. Quelles sont les attentes des consommateurs concernant les nouveaux modes de paiement ?
Yves Tyrode. Pour commencer, il faut savoir que le Groupe BPCE, c’est le regroupement des Banques Populaires, des Caisses d’Épargne et de Natixis. C’est 15 millions de clients actifs en France qui attendent de leur banque qu’elle s’occupe de leur argent et de leurs paiements. Ces derniers constituent le service de base donc nous devons tout faire pour les améliorer, les rendre plus simples et intuitifs. J’observe une appétence particulière des consommateurs pour le mobile, la vitesse d’adoption explose.
Quelle est votre stratégie sur ce device ?
Yves Tyrode. Notre stratégie est orientée mobile-first car nous voulons que le client puisse tout faire à partir de son portable. Pour simplifier ses démarches et changer la manière dont il réalise ses paiements, nous voulons ajouter des fonctionnalités à l’application, comme la possibilité d’y souscrire des produits d’épargne ou d’effectuer un crédit. Nous avons évalué qu’un client se connecte en moyenne 14 fois par mois à l’application et plus de 8 millions de virements par mois sont réalisés via ce canal. Le mobile, qui représente 4 millions d’utilisateurs, renforce ainsi l’intensité d’usage. Notre objectif est de devenir un compagnon financier du client et l’une de ses applications préférées. Même si le Groupe BPCE est constitué de près de 40 banques, nous voulons que pour l’utilisateur, cela soit une expérience unifiée.
Sur quel chantier par exemple travaillez-vous pour y parvenir ?
Yves Tyrode. Nous avons lancé Sécur’Pass, un système d’authentification forte pour ajouter un bénéficiaire et effectuer des virements. Autre exemple, nous sommes en train de procéder à une refonte complète de notre banque en ligne avec une nouvelle ergonomie adaptée au mobile. Avec cette version, qui interviendra à la fin de l’année, l’utilisateur ne se connectera plus à l’application historique mais à une nouvelle version enrichie où seront stockées ses données qu’on aura remise en qualité, c’est-à-dire qu’on va renommer les libellés avec le nom des commerçants débitant le client pour clarifier les opérations. Nous travaillons avec la start-up islandaise Meniga sur ce projet.
Est-ce que cette stratégie mobile vous pousse à travailler avec de nouveaux partenaires ?
Yves Tyrode. Je m’occupe du digital, cela signifie nouvelles plateformes, nouveaux modes de consommation des clients et travail avec des tiers. Nous voulons être une banque modulaire, avec de nombreux API pour travailler au maximum avec l’écosytème digital. Nous avons également mis en place l’an dernier un dispositif, Start-up Pass, qui comprend notamment un dispositif contractuel spécifiques et le référencement de quelque 350 start-up : ces dernières nous amènent un savoir-faire que l’on n’a pas nécessairement. Par exemple, nous avons lancé la semaine dernière la possibilité de faire des virements à l’étranger, ce projet a été réalisé avec la start-up Transferwise. Nous travaillons aussi avec de grands groupes comme Apple et Samsung.
Vous êtes le premier groupe bancaire à proposer Samsung Pay. Qu’est-ce qui vous a poussé à proposer cette solution ?
Yves Tyrode. Cette offre est importante pour nous car Android représente 80% de nos téléchargements d’application, même si iOS reste important. Nous avions été les premiers à rendre possible le paiement par mobile avec Apple Pay. Samsung Pay s’inscrit dans cette continuité. Nous observons par ailleurs le développement d’objets connectés embarquant du paiement, les wallet. Ces derniers sont souvent connectés au mobile et convergent vers les plateformes iOS et Android. Au final, le téléphone reste au cœur de la transaction.
Est-ce que vous vous inspirez de ce qui est fait à l’étranger en matière de paiement mobile ?
Yves Tyrode. Il est difficile de procéder ainsi. Les technologies sont identiques mais les usages diffèrent selon les pays. En Chine par exemple, la situation est différente car les moyens de paiement sont passés directement du cash au mobile, sans développement de la carte bancaire. Les divergences entre pays peuvent aussi s’expliquer par la réglementation bancaire. Il faut donc observer les marchés indépendamment. A ce stade, notre point d’attention se focalise plutôt sur le paiement instantané en mobile-first.
Que pourrait changer le paiement instantané ?
Yves Tyrode. Les virements instantanés vont transformer le paiement. Aujourd’hui, un virement interbancaire peut prendre deux jours pour des raisons de contrôles. Le réaliser en moins de dix secondes (*) va changer la manière dont les gens consomment. Cela va amener de la simplification, pour passer un virement à ses enfants par exemple ou payer son loyer. Nos banques sont prêtes en interne. Le virement instantané va être considéré comme un véritable moyen de paiement qui va compléter le dispositif et cela va amener de nouveaux usages.
(*) : Le virement SEPA Instantané, l’Instant Payment, prévoit l’exécution de transferts de fonds en euros entre les comptes en 10 secondes, 24 heures sur 24, tous les jours de l’année. Ce projet, lancé en novembre dernier par les institutions européennes, n’est pour l’heure pas encore disponible en France. Seul le Groupe BPCE a annoncé une disponibilité courant 2018.